Le Quotidien de la Réunion du 18/05/2002 Grand Raid 2002

Grand Raid : départ dans cinq mois pour Corine Mazzocchin


   Jour J-5 mois pour les raideurs qui participeront à la dixième édition du Grand Raid. Parmi les quelque 2000 participants, Corine Mazzocchin disputera sa première Grande Traversée. Découverte d'une inconnue néophyte...

  "Je ne l'ai jamais fait, souffle-t-elle, comme pour s'excuser. Ca va être une découverte totale". Elle avait pourtant tenté sa chance l'année dernière mais s'était "inscrite trop tard". Cette fois, avec l'ouverture des inscriptions "en direct" et en simultané, il ne fallait pas arriver en retard. Une autre aventure. "Je suis partie de chez moi très tôt le matin. A un moment on m'appelle pour me dire de faire demi-tour parce qu'il y avait déjà trop de monde devant la porte du bureau. Ensuite, j'ai confié mon dossier à quelqu'un parce que je ne voulais pas rester sur le carreau. C'était limite mais, finalement mon dossier était déposé en bonne et due forme." Le rêve peut prendre forme. Devenir réalité. "Participer au Grand raid, c'est un aboutissement. Tout le monde en parle autour de moi et c'est vrai que j'en rêve..."

Reprise d'entraînement difficile

 Corine Mazzocchin a "repris l'entraînement" depuis deux ans et se prépare "quasiment tous les jours" pour cette traversée réunionnaise."Pour le moment je fais des sorties de dix-douze kilomètres par jour, en footing. Je cours quelques épreuves sur 10km ou semi-marathon par-ci, par-là mais, la plupart du temps, je pars de chez moi, Bois-de-Nèfles Saint-Paul, et je vais jusqu'à Boucan ou Saint-Gilles." Une reprise d'entraînement "difficile" pour cette jeune maman (deux garçons de 13 et 5 ans) de 37 ans..."J'ai fait du sport jusqu'au mariage. J'ai épousé un homme qui aime beaucoup le sport de...télévision et j'ai un peu oublié tout ce qu'était le vrai sport. Mais j'ai réussi à me remettre dans le "truc". La reprise a vraiment été dure au début parce que j'avais un surplus de tout. Dont un qui concernait mon paquet de cigarettes par jour. Mais j'ai tout arrêté et je m'entraîne quasiment tous les jours." Sage décision car, comme tous les participants, elle aura besoin de tous ses atouts, physique et mentaux, pour rallier le stade de la Redoute, une destination qui, comme son nom l'indique, fait peur..."C'est vrai, tout le monde en parle avec crainte autour de moi mais je veux absolument savoir ce que c'est."

"Absolument savoir ce que c'est..."

 Une forte motivation qui cache forcément une crainte. L'appréhension fait-elle partie du bagage de Corine Mazzocchin ? " Oui, oui, oui, répond-elle sans hésiter. Je ne dis pas que je rêve tous les soirs mais il y a quand même une trouille phénoménale.  Je sais très bien que ça représente plus de 100 kilomètres d'effort. Et puis, je veux arriver à la Redoute samedi soir. Je me suis fixée un temps de 40 heures, avec une marge en plus ou en un moins de trois heures, et c'est un effort que je ne connais pas. Et ça, ça fait peur, c'est évident. Je crois qu'au niveau mentale, je n'ai pas du tout envie d'arrêter au milieu. Parmi les craintes, il y a aussi la marche de nuit que je ne connais pas du tout non plus. En fait, il y a pas mal de paramètres qui m'échappent et j'appréhende, oui."

Ne pas marcher seule la nuit

  Elle insiste surtout sur cette "marche de nuit" qui stigmatise la majorité de ses angoisses. "C'est clair, je ne veux pas marcher seule la nuit. Je crois que je vais  partir avec un groupe de garçons que je connais et je saurai que, derrière, il y aura quelque filles que je pourrais retrouver au cas où je craque. Il me semble que la plus grande difficulté pour une femme, c'est la nuit. Moi, je sais que c'est ma trouille. Je vais m'accrocher à quelqu'un et resterais sur ses talons jusqu'au matin..."
   Présentée par son entourage comme "une battante", elle n'envisage pas de rester sur le bord de la route. Elle s'est assignée une mission, elle ira au bout. Simplement pour être considérée par ses pairs. Simplement pour la fierté de pouvoir dire elle aussi, " j'ai survécu".
"J'ai l'impression que si j'arrive à faire ce Grand Raid convenablement, je ferais partie d'une fratrie. Je ne serais plus en dehors du cercle des gens qui disent :"oui, je l'ai fait, en marchant ou en courant, je suis allé au bout". Pour le moment, j'ai l'impression d'être en dehors de quelque chose. Quand j'ai fait mon premier semi-marathon, il y a deux ans, j'ai perdu mes dix ongles de doigts de pieds. Mais je suis allée jusqu'au bout parce que je voulais savoir ce que c'était. Le Grand Raid, il faut donc absolument que je le fasse. Après ça, je m'attaquerai à d'autres rêves, le marathon de New-York, le Marathon des Sables, etc ... Il faut que je touche à ça pour voir ce que c'est. Mais ça fait partie de mon tempérament. Ce n'est pas plus compliqué .."

Une mentalité à part sur le Raid

   Un tempérament qui lui dicte certains choix. Ainsi, elle trouve inutile d'effectuer des reconnaissances sur certaines parties de la course. Inutile de se projeter dans l'espace ou dans le temps. "Dans ma tête, j'ai la photo de la traversée de l'île mais je n'ai fait aucune reconnaissance et je n'en ferai pas. Je n'ai pas envie de savoir où je vais souffrir ..."
  En cas de souffrance, Corine Mazzoncchin sait qu'elle trouvera, à un moment ou un autre, un havre de réconfort. Néophyte ne veut pas dire aveugle et elle connaît l'esprit du Grand Raid.
  "Les raideurs ont une mentalité à part, il existe une grande solidarité. Au contraire des autres courses où c'est chacun pour soi et où on se mange (sic). Chaque fois que j'ai parlé avec un raideur, on m'a rassuré. Je sais que je trouverai toujours quelqu'un pour m'aider : il y a vraiment le respect de l'individu. J'ai vu des choses lamentables sur certaines courses. Une fois j'ai demandé de l'eau à quelqu'un qui en avait et il me l'a refusé. Je crois que je ne trouverai pas ça sur le Grand Raid ..."
  Autant dire qu'à cinq mois du grand départ, elle ne laisse pas trop de place à tout ce qui pourrait parasiter son enthousiasme. Elle pense surtout "à mes deux enfants à qui je pourrais raconter le Grand Raid" et à l'expérience forcément inoubliable qu'elle s'apprête à vivre ... "Et puis, une participation au Grand Raid, ça fait pas mal sur les diplômes, non ...?"


 

Hervé Colin : article du Quotidien du 18/05/2002