Jour
J-5 mois pour les raideurs qui participeront à la dixième
édition du Grand Raid. Parmi les quelque 2000 participants,
Corine Mazzocchin disputera sa première Grande Traversée.
Découverte d'une inconnue néophyte...
"Je ne l'ai jamais fait, souffle-t-elle,
comme pour s'excuser. Ca va être une découverte totale".
Elle avait pourtant tenté sa chance l'année dernière mais
s'était "inscrite trop tard". Cette fois,
avec l'ouverture des inscriptions "en direct"
et en simultané, il ne fallait pas arriver en retard.
Une autre aventure. "Je suis partie de chez moi
très tôt le matin. A un moment on m'appelle pour
me dire de faire demi-tour parce qu'il y avait déjà
trop de monde devant la porte du bureau. Ensuite, j'ai
confié mon dossier à quelqu'un parce que je ne voulais
pas rester sur le carreau. C'était limite mais, finalement
mon dossier était déposé en bonne et due forme."
Le rêve peut prendre forme. Devenir réalité. "Participer
au Grand raid, c'est un aboutissement. Tout le monde
en parle autour de moi et c'est vrai que j'en rêve..."
Reprise
d'entraînement difficile
Corine
Mazzocchin a "repris l'entraînement" depuis
deux ans et se prépare "quasiment tous les jours"
pour cette traversée réunionnaise."Pour le moment
je fais des sorties de dix-douze kilomètres par jour,
en footing. Je cours quelques épreuves sur 10km ou semi-marathon
par-ci, par-là mais, la plupart du temps, je pars de
chez moi, Bois-de-Nèfles Saint-Paul, et je vais jusqu'à
Boucan ou Saint-Gilles." Une reprise d'entraînement
"difficile" pour cette jeune maman (deux garçons
de 13 et 5 ans) de 37 ans..."J'ai fait du sport
jusqu'au mariage. J'ai épousé un homme qui aime beaucoup
le sport de...télévision et j'ai un peu oublié tout
ce qu'était le vrai sport. Mais j'ai réussi à me remettre
dans le "truc". La reprise a vraiment été
dure au début parce que j'avais un surplus de tout.
Dont un qui concernait mon paquet de cigarettes par jour.
Mais j'ai tout arrêté et je m'entraîne quasiment tous
les jours." Sage décision car, comme tous les participants,
elle aura besoin de tous ses atouts, physique et mentaux,
pour rallier le stade de la Redoute, une destination
qui, comme son nom l'indique, fait peur..."C'est
vrai, tout le monde en parle avec crainte autour de
moi mais je veux absolument savoir ce que c'est."
"Absolument
savoir ce que c'est..."
Une forte
motivation qui cache forcément une crainte. L'appréhension
fait-elle partie du bagage de Corine Mazzocchin ? "
Oui, oui, oui, répond-elle sans hésiter. Je ne dis pas
que je rêve tous les soirs mais il y a quand même une
trouille phénoménale. Je sais très bien que ça
représente plus de 100 kilomètres d'effort. Et puis, je veux
arriver à la Redoute samedi soir. Je me suis fixée un
temps de 40 heures, avec une marge en plus ou en un moins
de trois heures, et c'est un effort que je ne connais
pas. Et ça, ça fait peur, c'est évident. Je crois qu'au
niveau mentale, je n'ai pas du tout envie d'arrêter
au milieu. Parmi les craintes, il y a aussi la marche
de nuit que je ne connais pas du tout non plus. En fait,
il y a pas mal de paramètres qui m'échappent et j'appréhende,
oui."
Ne pas marcher seule la nuit
Elle insiste
surtout sur cette "marche de nuit" qui stigmatise
la majorité de ses angoisses. "C'est clair, je
ne veux pas marcher seule la nuit. Je crois que je vais
partir avec un groupe de garçons que je connais
et je saurai que, derrière, il y aura quelque filles
que je pourrais retrouver au cas où je craque. Il me
semble que la plus grande difficulté pour une femme,
c'est la nuit. Moi, je sais que c'est ma trouille. Je
vais m'accrocher à quelqu'un et resterais sur ses talons
jusqu'au matin..." Présentée par son entourage comme
"une battante", elle n'envisage pas de rester
sur le bord de la route. Elle s'est assignée une mission, elle ira
au bout. Simplement pour être considérée par ses pairs.
Simplement pour la fierté de pouvoir dire elle aussi, " j'ai
survécu". "J'ai l'impression que si j'arrive
à faire ce Grand Raid convenablement, je ferais partie
d'une fratrie. Je ne serais plus en dehors du cercle
des gens qui disent :"oui, je l'ai fait, en marchant
ou en courant, je suis allé au bout". Pour le moment,
j'ai l'impression d'être en dehors de quelque chose.
Quand j'ai fait mon premier semi-marathon, il y a deux
ans, j'ai perdu mes dix ongles de doigts de pieds. Mais
je suis allée jusqu'au bout parce que je voulais savoir
ce que c'était. Le Grand Raid, il faut donc absolument
que je le fasse. Après ça, je m'attaquerai à d'autres
rêves, le marathon de New-York, le Marathon des Sables,
etc ... Il faut que je touche à ça pour voir ce que
c'est. Mais ça fait partie de mon tempérament. Ce n'est
pas plus compliqué .."
Une mentalité à part
sur le Raid
Un tempérament qui lui dicte certains choix. Ainsi,
elle trouve inutile d'effectuer des reconnaissances
sur certaines parties de la course. Inutile de se projeter
dans l'espace ou dans le temps. "Dans ma tête,
j'ai la photo de la traversée de l'île mais je n'ai
fait aucune reconnaissance et je n'en ferai pas. Je
n'ai pas envie de savoir où je vais souffrir ..."
En cas de souffrance, Corine Mazzoncchin
sait qu'elle trouvera, à un moment ou un autre, un havre
de réconfort. Néophyte ne veut pas dire aveugle et elle
connaît l'esprit du Grand Raid. "Les
raideurs ont une mentalité à part, il existe une grande
solidarité. Au contraire des autres courses
où c'est chacun pour soi et où on se mange (sic). Chaque
fois que j'ai parlé avec un raideur, on m'a rassuré.
Je sais que je trouverai toujours quelqu'un pour m'aider
: il y a vraiment le respect de l'individu. J'ai vu
des choses lamentables sur certaines courses. Une fois
j'ai demandé de l'eau à quelqu'un qui en avait et il
me l'a refusé. Je crois que je ne trouverai pas ça sur
le Grand Raid ..." Autant dire
qu'à cinq mois du grand départ, elle ne laisse pas trop
de place à tout ce qui pourrait parasiter son enthousiasme.
Elle pense surtout "à mes deux enfants à qui je
pourrais raconter le Grand Raid" et à l'expérience
forcément inoubliable qu'elle s'apprête à vivre ...
"Et puis, une participation au Grand Raid, ça fait
pas mal sur les diplômes, non ...?"
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