Cette année, je lève le pied
Grand Raid : Jean-Philippe Marie-Louise, recordman des victoires
sur l’épreuve
Jean-Philippe Marie-Louise pratique le cyclisme et la course à pied. Le Saint-Paulois culmine à quatre
victoires sur la plus longue épreuve de montagne organisée localement, dont trois sous l’appellation “Grand Raid”. Aujourd’hui,
il se déclare délesté de toute contrainte et avoue qu’il se présentera au départ de l’édition 2002, en octobre, pour le seul
plaisir de courir en parfaite communion avec la nature.
Jean-Philippe Marie-Louise sera-t-il “quelqu'un” un jour dans l’histoire du sport réunionnais ? Il n’y pense
même pas. En tout cas, dans celle de la course de haute montagne, il n’est
plus un anonyme. Banal engagé à ses débuts, il est aujourd’hui
inoubliable. C’est une référence. Pendant quelques années, on allait le
voir passer ou le suivre sur les sentiers. Sur chaque course, il partait
en flèche, traçait en boulet de canon, inquiétait les meilleurs et coupait
souvent la ligne d’arrivée en premier. C’est en 1990 que s’allume en
lui la flamme qui consume ceux qui n’ont pas brillé et, soudain,
s’éveillent à la vie, forts d’une confiance quasi absurde. “Lorsque j’ai
commencé la course à pied, l’épreuve s’appelait la Grande Traversée. J’ai
terminé à la 40e place au classement général et cela sans entraînement
particulier. Un an plus tard, avec seulement quelques footings légers, je
parvenais à boucler à la 7e place. Sans une erreur de parcours j’aurais
même pu faire mieux.” C’est à ce moment là que naît en lui la sauvage
exaltation de la victoire. “J’ai fait le pari de m’imposer sur l’édition
suivante.” Il tient son pari. S’ouvre alors une période faste. En 1993, le
contenant change mais le contenu est le même ou presque. La “Course de
la Pleine Lune” devient “Grand Raid”. Jean-Philippe Marie-Louise est
second à l’arrivée. En 1994, 1995 et 1996, il domine la concurrence avec
une voracité de piranhas devant le gigot. “En 1996, j’ai terminé en
15h45’. C’est le record et il tient toujours,” précise-t-il avec une
pointe de fierté. Cette réussite est aussi son meilleur souvenir :
“L’année précédente, on avait laissé entendre que j’avais volé la victoire
à Jacky Murat. Il était arrivé avant moi à la Grande Chaloupe, mais
n’avait pas pointé à deux postes de contrôle. Il y eut disqualification de
Murat, puis doute et confusion.” Vexé dans son orgueil et meurtri dans son
honneur, il tenait à mettre tout le monde d’accord et le fit avec la
manière.
LE VÉLO, SA PREMIÈRE
PASSION
Alors que certains étudient pour découvrir,
enrichir leur éducation et rehausser leur prestige, Jean-Philippe préfère
diversifier ses activités sportives pour s’ouvrir d’autres horizons et de
nouvelles réalités. En 1997, quand le fer rougi au feu des longues
distances en haute montagne refroidit, il empoigne celui des marathons. Il
s’y attelle avec une laborieuse ferveur après une première expérience sur
la fameuse édition parisienne en 1994. “Je me suis classé 94e au général.
Nous étions 18 000 au départ. J’ai réalisé 2h29’. Cela reste mon meilleur
temps à ce jour.” Son objectif est de participer aux Jeux des îles qui
doivent avoir lieu un an plus tard à la Réunion. “En cette année 1997, je
suis parvenu à décrocher le titre de vice-champion de France des vétérans.
Cela se passait à Cherbourg.” Sur sa lancée, il se qualifie pour les Jeux
de l’océan Indien. Résultat final : une 6e place en 2h35’. Il confirme
ainsi que chez lui, lorsqu’il s’en donne la peine, le dépassement n’est
jamais frappé d’échec. Un dépassement forgé sur deux roues, avec tout ce
qu’il faut d’élan, de férocité et d’âme. “J’ai débuté le sport par le vélo
à l’âge de 25 ans. J’ai pratiqué pendant 10 ans. J’ai fait partie de la
sélection de la Réunion de 1983 à 1985. En 1983, j’ai terminé à la
deuxième place du classement régional du Tour de l’île. En 1984, j’ai été
vice-champion de la Réunion”. Le cyclisme tient toujours une place de
choix dans sa vie. “Rares sont les jours où je ne sors pas pendant trois
ou quatre heures. Parfois même, il m’arrive de faire Saint-Paul -
Saint-Pierre en aller-retour, tout seul.” Il n’est pas rare non plus
que l’ambulancier du SAMU, âgé de 47 ans et boulimique de l’effort
physique se rende à pied à son travail. “Le matin, j’emprunte la route du
littoral et l’après-midi je passe par Dos d’Âne.”
“JE VAIS ADMIRER LE PAYSAGE”
Selon ses dires, c’est aussi de cette façon qu’il se prépare depuis un mois
maintenant en vue du Grand Raid 2002. “Cela représente 50 % de moins par
rapport au volume d’entraînement que je m’imposais les saisons
précédentes. Cette année, je lève le pied. Je cours juste pour le plaisir.
Je remercie ma famille pour son aide durant toutes ces années. Je lui dois
beaucoup.” Contraint à l’abandon en 1999 (migraine persistante), absent
en l’an 2000 (parce qu’il montait sa maison tout seul) et retenu loin de
la piste l’an passé pour cause de blessure, Jean-Philippe Marie-Louise
pourrait-il s’arrêter sur une telle suite de déconvenues ? “Je ne sais pas
quand je m’arrêterai. Mais cette année, il est sûr que je ne pars pas pour
gagner. Je ne me sens pas prêt. Depuis le début je me dis que ce sera très
dur. J’y vais pour admirer le paysage. Ce sera bien la première fois,”
assure-t-il. Il préfère se dépouiller de certaines contraintes qui ont
volé beaucoup du temps qu’il aurait aimé consacrer à sa famille. “J’ai
trois enfants. Mon fils de 20 ans est actuellement en métropole en
formation dans la gendarmerie. C’était mon plus fidèle et premier
supporter. Il était en pôle espoir athlétisme jusqu’en cadet. Il est
toujours détenteur du record de la Réunion sur 1 000 m et 3 000 m dans la
catégorie minime. Ma fille de 22 ans va bientôt entrer à l’école de
police. Il me reste la petite dernière âgée de 10 ans. Je veux la voir grandir…”
Alain Junot
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